Les protéines à toutes les sauces : simple effet de mode ou mutation durable de la restauration ?
- Nadège Perdrizat

- 17 nov.
- 4 min de lecture
Il y a dix ans, on riait encore du poulet sans saveur des adeptes de musculation. Aujourd’hui, les mêmes mangent dans des bars à protéines design, sirotent des lattes enrichis en whey et commandent des bowls dopés au tofu, au quinoa ou aux œufs bio. La protéine est partout, dans les assiettes, sur les emballages et même dans les slogans marketing. Et cette vague ne s’arrête pas aux salles de sport : elle s’invite désormais dans la restauration.
En France comme en Suisse, les rayons regorgent de produits “haute teneur en protéines” : yaourts, biscuits, boissons et même pains. Selon NielsenIQ, la vente de produits enrichis en protéines a bondi de près de 30 % en trois ans en Europe. À Genève, Coop et Migros ont chacune lancé leurs gammes “High Protein”, avec des desserts, des boissons lactées et des snacks orientés forme et satiété. Ce qui n’était qu’un segment de niche est en train de devenir une habitude alimentaire de masse.
Des salles de sport aux tables du quotidien
L’origine de cette tendance n’a rien d’anecdotique. Elle est le fruit d’une convergence entre la culture du fitness, la quête du “bien manger” et une peur très contemporaine du sucre et des glucides. Sur TikTok et Instagram, le hashtag #highprotein dépasse les 5 milliards de vues, preuve d’une fascination collective pour cette notion de “nutrition performante”.
Les restaurateurs l’ont bien compris. En France, le concept Good Protein, lancé à Toulouse en 2024, en est l’exemple le plus frappant : un fast-good où tout le menu est calibré en protéines, du burger au dessert, avec une identité de marque claire et un storytelling fitness-lifestyle. Aux États-Unis, Protein Bar & Kitchen ou Muscle Maker Grill surfent sur le même créneau, tandis qu’en Scandinavie, The Protein Kitchen s’est imposé comme une référence du “healthy fast casual”.
En Suisse, le mouvement reste timide, mais les signaux sont là. À Zurich et Lausanne, plusieurs coffee shops ou bars à bowls enrichissent désormais leurs menus d’options à base de lentilles, d’œufs ou de tofu grillé, sans le crier sur les toits. L’approche est plus subtile, presque culturelle : on parle de “repas complets”, “équilibrés” ou “énergétiques” plutôt que de “protéinés”.
Une mutation plus qu’une mode
Les experts du secteur parlent d’une véritable transformation des usages alimentaires. “Les protéines sont devenues un marqueur de modernité et de maîtrise de soi”, observe un consultant en restauration basé à Paris. Ce glissement de la nutrition vers l’identité culinaire explique la durabilité du phénomène.
Car contrairement aux modes passagères, la logique protéique s’adapte à tous les régimes. Elle touche aussi bien les omnivores que les flexitariens, les sportifs que les actifs pressés. Elle fédère plus qu’elle ne divise.
Dans les cantons suisses, on observe déjà une montée des offres “plus rassasiantes” dans les snacks urbains et les restaurants d’entreprise. Cette évolution suit un schéma identique à celui observé dans les grandes villes françaises : montée de la conscience nutritionnelle, valorisation des sources végétales et démocratisation du “repas fonctionnel”.
Opportunité ou mirage pour les restaurateurs ?
La question n’est plus de savoir si les protéines s’imposeront dans la restauration, mais comment. En Suisse, le potentiel est réel, à condition de ne pas tomber dans le piège du marketing. Le client helvétique reste méfiant face aux effets de mode. Il cherche de la substance, pas des slogans.
Le véritable enjeu n’est donc pas d’afficher le mot “protéine” sur une carte, mais d’intégrer cette logique dans l’expérience globale : une cuisine plus équilibrée, plus fonctionnelle, mais toujours gourmande. Des recettes revisitées peuvent faire mouche sans virer au concept.
Le marché suisse, très attentif à la santé et à la qualité des produits, offre ici un terrain fertile. D’autant que le “snacking intelligent” et la restauration rapide premium connaissent un essor continu dans les zones urbaines.
Et si la protéine devenait le nouveau café ?
Les observateurs du secteur y voient une analogie intéressante : la même mutation que celle vécue par le café il y a dix ans. D’abord un produit de performance (coup de fouet, énergie), il est devenu un plaisir culturel à part entière, porteur d’identité et de communauté.
La protéine pourrait suivre le même chemin, du shaker au restaurant, du muscle au lifestyle. Les marques de restauration qui réussiront cette transition entre performance et plaisir, santé et hédonisme pourraient bien incarner la prochaine vague du “fast casual intelligent”.
En Suisse, un marché à prendre
Dans un pays où près de 60 % des consommateurs se disent attentifs à la teneur nutritionnelle de leurs repas, selon Nestlé Professional, et où la part des repas consommés hors domicile progresse chaque année, les opportunités sont multiples. Genève, Lausanne et Zurich concentrent une clientèle active, urbaine et internationale, la cible parfaite pour ces concepts hybrides entre restauration rapide, cuisine saine et expérience sensorielle.
Le pari des protéines n’est donc pas qu’une question de tendance. C’est une lecture du monde actuel : celui d’une alimentation qui veut tout concilier efficacité, plaisir et cohérence.

Et demain ?
L’avenir dira si la protéine restera reine ou si un autre macro-nutriment viendra lui voler la vedette. Mais une chose est sûre : elle a déjà transformé la manière dont on pense la nourriture. Moins de culpabilité, plus de fonctionnalité. Moins de régime, plus d’équilibre.
Et dans un pays où l’on associe volontiers gastronomie et précision, la Suisse pourrait bien devenir le laboratoire européen du “smart food”.
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